NDLR : Article d'archive remis en ligne (cf. Crescendo no.6, Janvier 2022 "Le réseau AEFE : le monde des possibles")
Vous occupez le poste de chef du secteur Europe de I’AEFE. Quelles sont vos responsabilités ?
Étant effectivement Chef de Secteur Europe, M. Lods a pour objectif principal de coordonner les établissements de sa zone. “Pour ma part, le secteur d’Europe est très étendu.” Comprenant notamment des pays influents et relativement développés, il dit devoir s’assurer avec les inspecteurs du respect de l’homologation, en particulier que chaque école respecte le programme français. “Mon objectif est aussi de raconter ces établissements. […] Chaque lycée comme Charles-de-Gaulle à Londres, à Ankara, Pierre Loti à Istanbul, le Lycée Chateaubriand à Rome, ils ont tous une histoire et sont des établissements qui ont une culture différente et une entité qui leur sont propres”. En d’autres termes, son objectif est de veiller sur les lycées français européens de l’AEFE.
Où avez-vous voyagé en tant que chef de secteur ? Quel est l’intérêt des voyages dans votre métier ?
“Voyager c’est aller en mission pour moi”. M. Lods est arrivé à son poste de chef de secteur durant la crise sanitaire, en septembre 2020, et se qualifie de “nouveau”. Tout en appuyant sur le fait que voyager est sa mission première, l’année précédente, à cause de la pandémie mondiale et donc malgré lui, il n’a pas pu réellement voyager. Il ajoute ensuite : “Nous divisons l’Europe en 4 zones, soit des zones de mutualisation. […] Ainsi, avec tous les proviseurs de chaque zone, dont M. Colombel pour vous, nous nous réunissons à Rome, à Vienne, Londres ou Madrid en fonction de la zone, dans l’optique d’améliorer les conditions de nos lycées.”

Pouvez-vous nous parler de la dernière crise que vous avez dû gérer, de quoi s’agissait-il et comment l’avez-vous gérée ? En particulier, quels impacts la pandémie a-t-elle eu dans le réseau AEFE ?
Etant donné que le réseau AEFE avait des écoles en Chine, la crise sanitaire mondiale a été perçue très rapidement. “Au début de la crise, il y avait de nombreux parents qui n’étaient pas satisfaits de la qualité de l’éducation à distance. Mais ils n’avaient pas vu la difficulté d’adaptation des enseignants et du personnel puisque personne n’avait jamais fait de l’enseignement à distance. Après trois mois, les établissements du réseau de l’AEFE ont pu s’adapter à cette nouvelle manière d’enseigner. En septembre 2021, pendant que les écoles en France n’arrivaient pas bien à reprendre l’enseignement distanciel, les établissements de l’AEFE ont surmonté les contraintes des cours en distanciel et pu travailler efficacement.”
Est-ce que la pandémie, et en particulier l’enseignement en distanciel, ont changé radicalement votre approche de l’éducation ?
“On ne peut pas dire que ça a changé mon approche de l’éducation. La mienne est basée sur des valeurs, sur une conception de faire grandir l’être humain.” M. Lods nous explique que son approche est restée la même mais qu’il a par-dessus tout ajouté un peu plus d’efficacité, afin d’être capable de gérer une crise mondiale.

Quelle est la philosophie derrière les principes éducatifs de l’AEFE ?
“La conception de l’éducation que nous avons est de vous permettre de devenir des citoyens éclairés, des citoyens qui savent et qui ont une opinion, à partir de ce qu’on vous a enseigné.” Cherchant donc comme dit plus haut une évolution pour les élèves, les principes éducatifs de l’AEFE se veulent immersifs. Les élèves, futurs citoyens, sont éduqués de manière à pouvoir se construire un point de vue critique sur la base de valeurs humaines.
Comment le même standard d’éducation est-il assuré au sein des établissements du réseau AEFE ?
Il y a 540 établissements dans le monde entier et M. Lods est responsable de 150 de ces établissements. “Le standard d’éducation dans les établissements de l’AEFE est garanti grâce au principe d’homologation. Tous les cinq ans, il y a une équipe d’inspecteurs qui viennent dans les établissements du réseau AEFE et qui vérifient que l’établissement obéit bien aux critères d’homologation, c’est-à-dire au respect des programmes français.”
Le système éducatif français entre-t-il souvent en contradiction avec la culture des pays d’accueil des établissements de L’AEFE ?
“Le système éducatif français, c’est simple. Si nous sommes dans un pays où on ne laisse pas un élève réfléchir, apporter son opinion de manière respectueuse des autres, alors nous sommes en difficulté puisqu’on n’a pas le droit à la liberté d’expression et à la liberté d’acquérir de nouvelles connaissances pour devenir des citoyens éclairés. Dans cette situation, il est évident que nous sommes alors en contradiction.”
Le cas échéant, comment les problèmes sont-ils résolus ?
“Dans ce genre de situation, on fait le pari d’avoir des gens suffisamment intelligents sur le terrain pour faire en sorte qu’on trouve des espaces de réflexion et d’échange, d’une certaine manière. Nous avons des pays où des personnes vont arriver dans les établissements avec des signes d’appartenance à une religion un peu plus poussée que d’autres. Mais même dans cette situation, ils sont en même temps en capacité de mener une réflexion et d’apporter un regard et une opinion sur un sujet. Avec cela, nous aurons quelque part déjà avancé.”
Y-a-t-il des différences d’évolution des lycées de I’AEFE depuis 20 ans selon les zones ZECO, ZESE, ZENOS, ZEI [zones à l’intérieur du secteur Europe de l’AEFE] ?
Comme dit plusieurs fois maintenant, M. Lods n’est arrivé qu’il y a plus d’un an, et ne peut par conséquent formuler un avis circonstancié concernant l’évolution des lycées sur 20 ans. Cependant, il constate : “Je suis très surpris depuis mon arrivée parce que, quand je change de zone, je suis à chaque fois dans un monde différent, et même différent dans chaque lycée”. On va donc avoir plusieurs différences culturelles, voire économiques ou religieuses. La ZECO (Zone Europe Centrale et Orientale), la ZESE (Zone Europe du Sud-Est), la ZENOS (Zone Europe du Nord-Ouest et Scandinave) et la ZEI (Zone Europe Ibérique) sont ainsi définis par le chef de Secteur comme étant très différentes.

Quelle est la stratégie de développement de I’AEFE pour les années à venir ? Quels en sont les enjeux et les objectifs ?
“La stratégie de développement de l’AEFE est d’abord d’être attractif, c’est-à-dire d’avoir des établissements attractifs de qualité ; c’est de faire en sorte d’avoir de plus en plus d’établissements français à l’international qui deviennent peu à peu des établissements internationaux français, c’est-à-dire des établissements qui répondent aux besoins éducatifs des élèves de 2030 et de 2040. Ce qui est le plus important pour nous, c’est d’avoir des établissements où nous avons des parcours de langues diversifiés. Donc effectivement ouvrir nos établissements à plusieurs langues, pouvoir valoriser le plurilinguisme, continuer à mettre en valeur l’esprit critique et le raisonnement, mettre en valeur la réflexion et l’engagement au travers de l’enseignement moral et civique.
Le deuxième point sur lequel nous devons nous appuyer, c’est la vie au sein de l’établissement, autrement dit, de faire en sorte que ce soit des établissements où il est bon de vivre et effectivement, développer des échanges culturels de haut niveau.”
Que conseilleriez-vous aux alumni du réseau pour garder le lien et partager cet état d’esprit propre à l’enseignement français à l’étranger ?
“Je leur conseille d’abord de faire vivre et de continuer à échanger avec vous et de ne pas essayer de se montrer comme des modèles par rapport à vous. C’est aussi vous dire qu’on ne choisit pas un métier dans la vie puisque l’orientation ne se limite plus à un choix de métier. Le parcours que vous poursuivrez sera très diversifié car la société de demain change sans arrêt. En ce moment, nous ne savons pas quels seront les métiers de demain. C’est pour cela qu’il ne faut pas simplement vous orienter vers un secteur ou un métier particulier mais plutôt apprendre à s’orienter pour acquérir des connaissances et évoluer tout au long de votre vie. Vous appuyez sur vos points forts et ce que vous aimez faire est fondamental. La réussite passe tout d’abord par ce que nous avons envie de faire et ce ne sont pas les autres qui doivent décider de votre futur. Il appartient à vous seul”.