ITER, la fusion nucléaire est-elle l’énergie du futur ?

NDLR : Article d'archive remis en ligne (cf. Crescendo no.6, Janvier 2022 "Le réseau AEFE : le monde des possibles")

ITER, qui veut dire International Thermonuclear Experimental Reactor ou « la voie » en latin est à ce jour le projet international le plus important de réacteur à fusion nucléaire. Il rassemble 35 pays, avec comme fondateurs la Chine, l’Union Européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis. Le Royaume-Unis et la Suisse participent par le projet EURATOM tandis que l’Australie, le Kazakhstan et le Canada ont des accords de coopération. Il est en construction, depuis 2013 dans la région de Cadarache à Saint-Paul-lès-Durance dans le Sud de la France et devrait être opérationnel d’ici 2025 avec le premier essai de plasma la même année et la fusion complète d’ici 2035. L’objectif étant de prouver que la fusion nucléaire est une source d’énergie rentable et exploitable à l’échelle industrielle, capable de fournir une énergie propre et sans danger, ce qui serait une solution à la demande énergétique en pleine croissance et à l’utilisation des combustibles carbonés. 

Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

La fusion nucléaire est le fait de combiner deux atomes pour en créer un nouveau plus lourd, ce procédé libère énormément d’énergie. C’est ainsi que sont apparus les différents atomes qui composent l’univers en partant de l’Hydrogène, le premier élément du tableau périodique et en devenant de plus en plus lourds. La fusion a lieu à l’intérieur des étoiles comme le soleil grâce à la force gravitationnelle qui comprime les atomes et les chauffe à 15 millions de degrés. Plus chauds sont les atomes, plus vite ils se déplacent ; et lorsqu’ils entrent en collision à des vitesses extrêmes, la répulsion électromagnétique de leurs noyaux ne suffit plus à les repousser et ils fusionnent. L’idée étant d’utiliser la chaleur produite lors de la réaction pour produire de l’électricité comme dans un réacteur nucléaire classique (à fission nucléaire, qui fonctionne en fissionnant ou séparant un noyau atomique) avec une chaudière qui entraîne une turbine électrique. 

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Comment la fusion fonctionne-t-elle dans le réacteur ITER ? 

Pour réussir à maintenir une fusion nucléaire sur Terre où nous n’avons pas les conditions de pression du soleil, le réacteur ITER comprend un TOKAMAK, une cavité en forme de donut. Dans celle-ci, le gaz est ainsi ionisé en le chauffant à des températures extrêmes, c’est-à-dire que les électrons se détachent des atomes pour devenir un plasma. Le plasma est un état de la matière ou elle est très peu dense, 1 millions de fois moins que l’air que nous respirons. Le plasma, contenu par de puissants champs magnétiques, est ensuite accéléré et chauffé dix fois plus que dans le soleil, à près de 150 millions de degrés jusqu’à entraîner une réaction de fusion. L’ignition en elle-même est très vorace en énergie.

Dans le cas d’ITER, les isotopes (différents types d’un élément, par leur nombre de neutrons, mais autant de protons et d’électrons) de l’hydrogène utilisés sont le Tritium et le Deutérium, leur fusion libère un atome d’hélium et un neutron. C’est cette combinaison qui permet d’enclencher une fusion en consommant le moins d’énergie initialement. Au passage, un peu de la masse initiale des éléments de la réaction est perdue mais selon la relation d’Einstein E=mc², une faible masse équivaut à une grande quantité d’énergie. L’énergie (E) est égale à la masse (m) multipliée par le carrée de la vitesse (c²) de la lumière.

Quels sont les avantages et inconvénients de la fusion nucléaire ?

Si la production d’énergie à grande échelle grâce à la fusion nucléaire est un jour réalisée, elle présentera de nombreux avantages. En effet, elle permettrait de faire face à une demande en électricité croissante car c’est une source d’énergie durable, propre sur le plan carbone, et nous disposons de ressources d’hydrogène qui semblent inépuisables par rapport à la demande potentielle. Contrairement à la fission nucléaire, la fusion est bien plus sûre car si un accident survenait, la fusion s’arrêterait d’elle-même, et il n’y aurait pas de rayonnements radioactifs. De même, elle ne produirait pas de déchets radioactifs.

Les objectifs d’ITER :

  • Produire une quantité d’énergie thermique 10 fois supérieure à celle utilisée pour l’ignition
  • Maintenir une fusion pendant plus de 8 minutes
  • Produire un plasma produisant 5 fois plus d’énergie qu’il n’ en requiert 
  • S’assurer que l’on puisse produire le Tritium nécessaire grâce à la réaction (on peut produire du tritium en combinant les neutrons s’échappant du plasma avec du lithium)
  • Démontrer la sécurité d’un réacteur à fusion nucléaire

Où en est l’avancement de la construction du réacteur ?

La collaboration pour le projet débuta en 1979 avec l’INTOR (International tokamak reactor) qui comprenait Les Etats-Unis, le Japon, l’URSS et l’European atomic energy community. L’idée fut ravivée au sommet de Genève en 1985 et l’engouement prit dans les années suivantes. Les objectifs, les négociations et les préparations techniques continuèrent et connurent de nombreux avancements et rebondissements comme lorsque les Etats-Unis quittèrent le projet en 1999 puis le rejoignirent de nouveau en 2003. En 2005 il fut décidé que le réacteur serait construit en France. La signature eut lieu en 2006, la construction débuta en 2007 et la phase principale d’assemblage du tokamak en 2020. 

Le premier plasma doit être produit en 2025. S’ensuivront des expériences jusqu’au commencement des opérations au Deutérium-Tritium en 2035. ITER aura accumulé beaucoup de retard et de surcoûts et est l’une des coopérations technologiques les plus coûteuses et importantes au monde. En effet le budget initial était de 6 milliards d’euros mais est aujourd’hui estimé entre 18 et 22 milliards d’euros. 

Quelles perspectives pour l’avenir ouvre ITER ?

Si les différents objectifs d’avancement du projet sont atteints, cela pourrait ouvrir la porte à une effervescence de constructions de nouveaux réacteurs à fusion nucléaire pour la production d’énergie industrielle. Et peut être ainsi résoudre la problématique énergétique et environnementale de notre siècle.

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