Geneviève de Gaulle-Anthonioz, un exemple de résistance humaniste

NDLR : Article d'archive remis en ligne (cf. Crescendo no.7, Mai 2022 "La France à Istanbul, une présence durable")

Geneviève de Gaulle-Anthonioz est la nièce du général Charles-de-Gaulle. De manière réductrice, beaucoup de personnes reconnaissent aujourd’hui cette pionnière grâce à ce nom de famille.

Il me paraît insultant que nous la reconnaissons simplement comme nièce du général de Gaulle et non comme Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Presque tous les articles sur elle clarifient qu’elle a un lien de parenté avec de Gaulle pour “prouver” qu’elle a un rôle important en France. C’est le cas pour beaucoup de femmes. Par exemple, Nadezhda Krupskaya n’est pas connue grâce à ses idéaux mais car elle a le statut de femme de Lénine. Certes, je n’accuse pas de Gaulle ou Lénine mais la société dans laquelle nous vivons. Jusqu’à la fin du 20e siècle, les femmes importantes n’avaient pas une identité en elles-mêmes. Elles étaient les femmes, filles ou amies d’hommes. Auparavant, cela était bien pire : ces hommes bénéficiaient du succès de ces femmes tandis que ces dernières étaient mises à l’écart. Lorsque quelqu’un (quelque soit son sexe ou statut social etc.) tente d’améliorer le monde, nous devrions nous rappeler d’eux avec leur nom, pas par des indications relatives telles que “femme de” ou “enfant de”. Parlons donc des réalisations de cette pionnière, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin du 20e siècle. 

Élevée dans un couvent catholique, Geneviève est étudiante à l’université de Rennes. Toutefois, sa vie, comme celle de beaucoup de français, est bouleversé le 17 juin 1940 par le discours fataliste du maréchal Pétain. Elle comprend rapidement à quoi elle doit s’attendre et rejoint son père et sa grand-mère en Angleterre. Elle apprend que son oncle a lancé un appel à la résistance et, inscrite à Paris en licence d’histoire à partir de 1941, elle s’engage elle-même dans le mouvement clandestin Défense de la France, grâce à ses camarades du couvent. 

Défense de la France était un mouvement résistant pendant la Seconde Guerre mondiale avec pour objectif principal d’acquérir des informations sur la guerre et le régime de Vichy. Le 14 juillet 1941 a constitué un tournant pour ce mouvement qui ne s’est plus limité à la distribution de tracts. La première édition du journal clandestin homonyme, Défense de la France, a été distribuée avec succès à 3 000 exemplaires. En 1944, il devient le plus important journal clandestin avec 450.000 exemplaires et est l’ancêtre du journal France-soir. Geneviève avait un rôle important dans ce mouvement : elle était chargée de la distribution du journal. 

En juillet 1943, elle est arrêtée en possession d’exemplaires de Défense de la France par la Gestapo française. Geneviève est envoyée à la prison de Fresnes, puis, en février 1944, elle est déportée au camp de concentration de Ravensbrück, un affreux centre de détention pour femmes. 54 ans plus tard, elle décrit dans un récit court intitulé La traversée de la nuit cette expérience. Elle n’a pas hésité à raconter ses souvenirs des horreurs mais aussi de l’entraide entre ses camarades, remarquablement vifs. Elle est libérée en avril 1945 par l’armée sociétique.  

Après la Seconde Guerre mondiale, Geneviève, consciente des souffrances des pauvres et des démunis consacra sa vie à les aider. En effet, en 1958, pendant une visite dans la banlieue parisienne de Noisy-le-Grand, elle remarqua sur les visages de ces pauvres les mêmes expressions qu’elle avait vues sur ses camarades déportés du camp. Dès lors, pendant 30 ans, de 1964 à 1994, elle a été présidente d’ADT (Aide à toute détresse, devenu ensuite Agir tous pour la dignité Quart monde). ADT est une organisation à but non lucratif qui vise l’éradication de la pauvreté grâce à une approche basée sur les droits de l’homme. En plus, membre active puis présidente de l’ADIR (Association des déportées et internées de la Résistance), elle engage des poursuites de justice contre les crimes de guerre nazis. En 1987, elle témoigne dans l’affaire Klaus Barbie, un criminel de guerre allemand, officier SS à Lyon pendant la guerre. En 1998, elle devient la première femme à recevoir la grand-croix de la Légion d’honneur. Cette même année, elle devient membre du Conseil économique, social et environnemental. Elle s’est battue 10 ans pour l’adoption de lois contre la pauvreté et a continué jusqu’à la fin de sa vie en 2002 à résister.

En 2015, François Hollande, président de la République de l’époque, annonce que Geneviève sera panthéonisée. Sa famille refuse, voulant qu’elle reste avec son époux. Un cercueil vide avec de la terre prélevée de son cimetière est enterré au Panthéon. 

Pour rendre hommage à cette résistante et militante, il faut ne plus systématiquement essayer de la présenter comme nièce de De Gaulle mais comme une des plus importantes figures du 20e siècle. 

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