American Psycho ou la culture Yuppie mise à nu

A l’origine un roman écrit par Bret Easton Ellis, American Psycho est souvent connu par l’adaptation cinématographique qui en a été réalisée en 2001. Le film a souvent été critiqué par le public pour le niveau de violence mis en avant. Certaines associations et groupes ont même demandé l’annulation du projet. Aujourd’hui, le film garde sa popularité : avec l’arrivée de la nouvelle génération qui apprécie à la fois le film et le roman, des questions ont émergé. Notre objectif dans cet article est de comprendre le message que tant le romancier que le réalisateur ont voulu transmettre.

En premier lieu, il faut connaître l’auteur du roman et la démarche adoptée pour écrire American Psycho. Bret Easton Ellis s’est basé dans la création de son personnage principal, Patrick Bateman, sur  des personnes réelles qu’il a connues dans les années 80 à New York. Il a terminé son roman en 1991 et sa motivation principale était d’illustrer la réalité et l’absurdité choquante de ces années et la situation presque comique des Etats-Unis et des Américains. Il est certain que Bret Easton Ellis a voulu représenter  la vie sociale  des ‘Yuppies’ , acronyme de “Young Urban Professional”.  

Pour que vous ayez une idée générale du livre et du film, résumons-les. L’histoire se déroule vers la fin des années 80. Un financier à Wall Street (quartier d’affaires à New York), Patrick Bateman, passe son temps à participer à des fêtes, des cocktails, des réunions, des dîners, etc. En dehors de ces activités professionnelles, il piège des prostituées et les tue avec ses collègues. Patrick Bateman est représenté comme un psychopathe, fortement superficiel, qui porte toujours le masque d’un financier sociable. Vous pouvez croire que le roman et le film se résument à ces éléments. Or ce n’est pas le cas. Il y est question de la manière dont ce personnage se perçoit. En effet, tant dans le roman que dans le film, il se compare à ses collègues systématiquement et essaye de deviner la valeur commerciale de ces gens. Nous pouvons en déduire que les objets matériels portent une valeur immense pour Patrick qui “estime” et respecte  les humains selon ce qu’ils valent matériellement. 

En tant que lecteur, vous vous posez de multiples questions : pourquoi est-il ainsi ? Quelle est la source de cette corruption psychologique ? Pour répondre à ces questions, il faut déjà connaître la culture des années 80 aux Etats-Unis. Les années 80 sont souvent représentées de manière très flashy, colorées . En réalité, Les Etats-Unis, avec les réformes économiques du président  Ronald Reagan, prônaient le matérialisme et la consommation. La société américaine de l’époque encourageait l’achat excessif des produits. Une culture de Yuppie est ainsi née dans les quartiers d’affaires. Un yuppie est un jeune col blanc ambitieux, persévérant qui vient d’un arrière-plan riche avec les moyens nécessaires pour réussir dans la vie. Non seulement Patrick, mais tous les personnages dans le roman et le film sont des yuppies qui partagent le même profil, la même apparence physique, les mêmes goûts et les mêmes domaines d’intérêt.

Illustration de Gabriel Henry. DR.

C’est exactement le but de l’auteur Bret Easton Ellis : il a voulu mettre cette culture de consommation et de luxe en lumière en encourageant ses lecteurs à porter un regard critique sur le matérialisme et la satisfaction qui accompagne la consommation. Par exemple, dans le roman, Patrick est obsédé par les marques et tente souvent de deviner les marques utilisées par ses collègues. Il a même des crises de jalousie à cause de ce complexe. De plus, par le biais de son personnage principal dans ses interactions avec ses collègues,  l’auteur dénonce la masculinité toxique : en effet,  le film et le roman illustrent l’horreur qui en découle. La perception des femmes de Patrick témoigne de la vision humiliante des femmes qui sont perçues comme des objets par cette culture des années 80. Ce que vous devez comprendre, c’est que le personnage principal Patrick est l’incarnation de cette culture Yuppie et des années 80. Dès que vous lisez le roman ou regardez le film à travers ce filtre, la magie (rêvée) des années 80 disparaît partiellement.

Pour conclure, le roman et le film American Psycho font la critique des années 80 et de la culture Yuppie. L’auteur, Bret Easton Ellis, essaye d’ouvrir les yeux de son auditoire et leur faire prendre conscience des dangers qui viennent d’une culture aussi matérialiste. D’une certaine manière, à l’exception des crimes perpétrés par Patrick, le roman ressemble à Bel-Ami de Guy de Maupassant dans lequel le romancier critique le matérialisme de la société de son temps. 

Illustration de couverture de Yasemin Gumpert
Article mis en page par Arif Kılınç

Pour aller plus loin : Interview en anglais. 

Illustration de Yasemin Gumpert. DR.

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