NDLR : Article d'archive remis en ligne (cf. Crescendo no.7, Mai 2022 "La France à Istanbul, une présence durable")
Le Venezuela était auparavant l’un des pays les plus prospères de l’Amérique du Sud. C’était une nation qui dans les années 70 était reconnue mondialement pour sa démocratie. Ce pays qui possède la plus grande réserve pétrolière au monde est de nos jours dévorée par une inflation qui a atteint un taux de 3000 % en 2020 rendant les biens quotidiens inaccessibles pour la majorité de sa population. Dirigé par le président Nicolas Maduro qui est présenté dans la presse mondiale comme un autocrate ne pensant point au bien de son peuple, la situation dans ce pays équatorial ne semble pas s’améliorer. Alors, une question se pose : comment cette puissance régionale s’est transformée en un pays pratiquement inhabitable ?

Le début de la fin : le développement non-durable
Depuis sa découverte dans le pays dans les années 1920, l’économie du Venezuela dépend de la rente pétrolière. Cette dernière représente plus de 90 % des matières exportées et la moitié du budget de l’État. Tandis que ce modèle économique permettait auparavant la croissance de la nation, il était évident que la dépendance à une seule substance était une stratégie instable et pourrait avoir des conséquences indésirables pour l’ensemble de la nation. Comme chaque “Etat pétrolier”, le bien être de l’ensemble des habitants dépendait de cette ressource naturelle. Au cours des années 80, notamment avec la crise pétrolière, le pays entra dans une période assez difficile. C’est alors que Hugo Chavez gagna en popularité après sa tentative de coup d’Etat ratée. Plus tard, en 1998, grâce à une campagne socialiste de redistribution des richesses, il fut élu en promettant une nouvelle période où le pays se transformerait fondamentalement.
Chavez mettait en avant qu’il avait pour but de réduire la pauvreté et ainsi de mettre fin aux inégalités présentes à l’échelle de son pays. A cet égard, grâce à l’argent gagné suite à l’augmentation du prix mondial du pétrole durant son mandat, le nouveau président mit en place plusieurs programmes d’aides sociales, améliora le système d’éducation et parvint à réduire la pauvreté de 20 %. Même si ces politiques étaient de bonnes initiatives, Chavez n’est pas parvenu, plus exactement n’a pas cherché, à diversifier l’économie du pays. Il avait pour but d’augmenter sa popularité à travers les aides qu’il fournissait à la classe ouvrière mais, en parallèle, durant ses mandats successifs, la dette nationale a doublé.
En outre, dans le même temps, certains choix qu’il fit ont causé le déclin de la production pétrolière dans son pays. Notamment, sa décision de licencier des milliers de personnes travaillant pour la PDVSA, la plus grande compagnie pétrolière -publique- du pays, dû au fait qu’ils réclamaient leurs droits en faisant des grèves. Non seulement cela a prouvé l’aspect répressif de son régime mais a également causé un grand manque sur un plan technique pour la compagnie. La corruption a également constitué un problème majeur. Dans différents secteurs, les proches du gouvernement, sans mérite particulier, remplaçaient les personnes qualifiées, ce qui a causé des défaillances économiques à long terme.

De plus, le président Chavez exploitait la popularité qu’il avait obtenue auprès de la société au cours des années pour étendre ses pouvoirs : il a poussé le pays vers l’autoritarisme en mettant fin à la limitation des mandats, en prenant le contrôle de la cour suprême, en mettant les médias sous son contrôle et en nationalisant des centaines d’entreprises privées. Tous ces changements ouvrirent alors la voie à la politique actuelle de Maduro qui prit le pouvoir suite à la mort -des suites d’un cancer- de son prédécesseur en 2013.
30 millions victimes du pétrole
La baisse mondiale des prix du pétrole en 2014 engendra alors l’aggravation de la crise économique qui avait commencé à émerger dès 2010 sous le gouvernement de l’ancien président. Le système du pays étant entièrement basé sur cette substance, il se bouleversa du jour au lendemain. Cela a pris plus tard la forme d’une grande crise sociale et politique. De surcroît, la production de pétrole dans le pays diminuait dû au manque de maintenance dans les systèmes qui prélevaient cette source d’énergie fossile. Chavez avait réduit les investissements dans le secteur et les conséquences de ces actes se montraient maintenant. Malgré l’aspect dramatique de la situation, le gouvernement niait l’existence d’une telle crise, ce qui aggravait la situation. Le bolivar, la monnaie vénézuélienne, avait maintenant perdu toute sa valeur. L’hyperinflation (hausse extrêmement rapide des prix dans un pays), une des conséquences de la crise, causa de multiples pénuries de médicaments et de nourriture qui devinrent inaccessibles aux pauvres du pays. Or, ceux-ci représentent 94 % de la population vénézuélienne. Les proches du pouvoir continuent à profiter de multiples privilèges, ce qui leur permet de vivre avec aisance quand le peuple a, lui, du mal à survivre.
Il n’est pas faux de dire que la population souffre des conséquences de la situation de toutes les manières possibles. Près de la moitié du peuple ne gagne pas assez d’argent pour se nourrir de manière quotidienne ; 75 % de la population est sous-alimentée. Le fait que 10 % de la population ait quitté le pays dans les 8 dernières années prouve alors l’ampleur de la crise.
Un capitaine qui ne veut quitter son bateau
Il est important de souligner que la situation politique se complique de jour en jour. Des manifestations avec une participation de près de 6 millions de personnes ont eu lieu au cours des années et la grande majorité du peuple se plaint de l’absence de dizaines de libertés nécessaires à leur bien-être.
En 2017, la cour suprême a dissous l’assemblée nationale qui était auparavant la seule entité où l’opposition avait la majorité et était considérée comme indépendante par différents organes internationaux. Les responsables de la dissolution, proches du pouvoir, ont mis en avant qu’en temps de crise, l’assemblée ne pouvait prendre de bonne décision et ainsi devait, pour un certain temps, être privé de ses pouvoirs. Cette décision a non seulement été condamnée par des dizaines de pays comme les Etats-Unis qui ont imposé des restrictions draconiennes au gouvernement mais a également poussé plusieurs millions de Vénézuéliens à réclamer de nouveau leurs droits dans les rues.

Cependant, face à toutes ces revendications populaires, Maduro a continué à mener son régime qui peut désormais être appelé totalitaire. Tandis qu’il emprisonnait plusieurs représentants de l’opposition, en 2017, une nouvelle assemblée constituante a été formée par le gouvernement. Même si plus de 40 pays avaient mis en avant qu’ils ne reconnaîtraient pas cette nouvelle assemblée, une nouvelle constitution a été rédigée par celui-ci.
Plus tard, en 2018, Maduro a gagné l’élection présidentielle. Il était cependant évident que les résultats annoncés ne représentaient pas la vérité des urnes. Le peuple, ainsi que différentes organisations supranationales mettaient la pression sur le “président” pour qu’il abdique et supportaient le chef de l’assemblée précédente, toujours active, Juan Guaido, pour qu’il prenne le pouvoir. C’est alors qu’en 2019, quand cette assemblée nationale déclara que les résultats de l’élection présidentielle étaient invalides et que Guaido devait agir comme président que la crise prit une nouvelle dimension. Guaido essaya alors de prendre le contrôle du gouvernement, étant supporté par plusieurs autres nations, mais il ne réussit pas à renverser Maduro.

Nous voyons alors comment les intentions égoïstes de certaines personnes peuvent pousser une nation entière à vivre dans la misère, dans le chaos et ses habitants à travailler pour ne même pas pouvoir se procurer la nourriture et les médicaments dont ils ont besoin. Comme le dit Nelson Mandela : “Éradiquer la pauvreté, ce n’est pas un geste de charité, c’est un acte de justice.” Et c’est peut être parce que le gouvernement n’a jamais eu pour but d’éradiquer la souffrance présente dans le pays mais l’a utilisé pour exploiter le peuple que la nation se retrouve dans l’une des crises les plus fatales de l’histoire d’un point de vue économique. Nous voyons alors comment la cupidité et le désir de devenir de plus en plus puissant de l’humain engendre des crises ruinant des millions de vies. La justice, dans toutes ses formes, est loin d’être présente au Venezuela.