Assassinat politique d’un politicien assassin

J’ai tué un homme pour en sauver cent mille.  

s’exclame Charlotte Corday juste après le meurtre de Marat, aussitôt découvert dans sa baignoire ensanglantée. Sa mort fait plonger la Révolution dans la Terreur. Nous sommes le 25 Messidor an Ier, soit le 13 juillet 1793.

“Marat Assassiné”, Jacques-Louis David, 1793. DR. 

Journaliste, écrivain, médecin, physicien, homme politique, Jean-Paul Marat est né en Suisse en 1743. Il s’installe à Paris en 1775, et se rapproche du comte d’Artois, le frère du roi Louis XVI, puis devient en 1777 le médecin des gardes du futur Charles X. Il poursuit également ses expériences en physique expérimentale et connaît quelques revers de fortune, échouant à obtenir la reconnaissance de l’Académie des Sciences de Paris.

C’est la Révolution française qui fait rentrer Marat dans l’histoire. Il est très critique du projet de Constitution présenté à l’Assemblée, et il crée en septembre 1789 son journal politique. D’abord nommé Le Publiciste parisien, celui-ci devient ensuite l’Ami du Peuple, et attaque violemment les aristocrates, les ministres et des personnalités comme Necker et La Fayette, ce qui lui vaut des poursuites judiciaires. Son auteur principal y dénonce avec violence les compromissions supposées des uns et des autres. 

Marat devient immédiatement populaire chez les radicaux de la Révolution, c’est-à-dire le groupe des Montagnards, grâce à ses textes incitant à la violence et au meurtre. Il défend la cause du peuple, prend position contre l’esclavage et la politique coloniale française. Il lance ses lecteurs à l’assaut des Tuileries le 10 août 1792, ce qui occasionnera les massacres de Septembre, qui ont causé la mort de plus de 1000 personnes parmi des hommes et des femmes supposément opposés à la révolution. 

Il contribue à la condamnation du roi et à la formation du Tribunal révolutionnaire et du Comité de sûreté générale, chargé d’arrêter les suspects contre la Révolution. Les Girondins ont pourtant tenté de le mettre en accusation, mais il est acquitté par le Tribunal révolutionnaire et regagne en triomphe la salle de la Convention le 24 avril 1793. C’est à ce moment que Charlotte Corday, une jeune femme, embrasse les idées des Girondins et voit Marat comme la figure des excès et de la violence sanguinaire de la Révolution. 

Le 9 juillet, Charlotte Corday quitte Caen pour gagner Paris où elle s’installe à l’hôtel de la Providence. Les jours suivants, elle achète un couteau de cuisine et se rend au 30 rue des Cordeliers, au domicile de Marat. Depuis plusieurs années, Marat souffre d’une maladie de peau très handicapante qui l’oblige à réaliser des soins fréquents et à réduire au strict minimum ses apparitions publiques. Elle échoue par deux fois à le rencontrer, l’entourage de Marat lui refusant l’accès du domicile. 

Sa troisième tentative sera la bonne : elle prétexte une lettre très importante à lui remettre. On la laisse entrer et elle parle avec Marat, alors plongé dans la baignoire dans laquelle il soigne sa maladie de peau, pendant une quinzaine de minutes. Elle le frappe alors à la poitrine et le tue. Immédiatement arrêtée, Charlotte Corday ne se défend pas et revendique son geste. “J’ai tué un homme pour en sauver cent mille”, dit-elle. Qualifiant Marat de “bête féroce”, elle lui impute “la désolation de la France [et] la guerre civile qu’il a allumé dans tout le royaume”.

Les Girondins seront tour à tour mis en accusation et arrêtés. La Terreur est en marche.

Illustration de couverture de Nisa Duymaz
Mise en page par Tülin Toz

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