Le mercredi 30 novembre 2022, les deux classes de Terminale de la spécialité HGGSP se sont rendues à l’Institut français de Turquie, antenne d’Istanbul, à Taksim, pour participer à la 1ère conférence des Rencontres de Pierre Loti.
Ce nouveau format de débat d’idées que développe l’établissement était animé pour cette première édition par l’historienne Claire Le Bras et nos professeurs de spé, MM. Lioret et Anger. Divers thèmes ont été abordés frontalement : l’histoire du lycée Pierre Loti mais aussi le travail d’historien.
Mais qui est donc notre invitée ?
Mme Claire Le Bras est une historienne spécialiste des relations diplomatiques franco-turques. D’ailleurs, sa thèse de doctorat portait sur la dualité du gouvernement turc juste avant la fondation de la République de Turquie, et en particulier durant l’occupation d’Istanbul, et la manière dont cette dualité était perçue à l’échelle internationale.
Pour les 60 ans de sa fondation, le lycée lui a confié la tâche de remonter dans le temps pour comprendre la naissance du Lycée Français Pierre Loti d’Istanbul et son évolution au fil des années.
Le travail d’historien
Au cours de cette conférence-débat, Mme Le Bras a explicité les principes fondamentaux et les différentes étapes du travail d’historien. Elle s’est attardée sur la manière dont elle les a appliqués en vue de préparer l’historique du lycée. Une première partie de l’échange a ainsi porté sur l’enquête historique et la recherche des sources. Elle a expliqué à son public, dans un second temps, comment s’écrit l’histoire et la nécessaire prise de recul pour donner du sens aux informations recueillies. Dans un troisième temps, elle a abordé la manière dont on diffuse et valorise une recherche scientifique.



Pour résumer, l’enquête historique consiste à retracer le passé, chercher des informations et des indices. Elle est, par cet aspect, similaire à une enquête policière : en effet, son objectif est de trouver le plus d’informations possible pour constituer une image plus précise de l’événement ou du phénomène. Les enquêtes se font à base de deux sources : les primaires et les secondaires. On désigne par source primaire les objets et textes qui proviennent de la période historique en question, par exemple des journaux ou des cartes. Quant aux sources secondaires, il s’agit d’éléments déjà existants sur le sujet. Il est question, à titre d’exemple, des travaux de recherche déjà écrits sur les sources primaires, en l’occurrence des différentes analyses ou livres écrits sur le sujet en question. Les sources secondaires permettent donc de considérer sous différents angles les anciennes sources et de les croiser avec les moyens et les sources d’aujourd’hui.
Pour l’enquête historique concernant le lycée Pierre Loti, il n’y avait que quelques notices de professeurs et une page Wikipédia avec des sources contestables. Il existait donc peu de sources écrites et les plus importantes étaient orales. Néanmoins, l’historienne a d’abord réussi à fixer des dates sur lesquelles l’histoire pouvait reposer. Mme Le Bras a rapidement identifié certains faits : par exemple, lors de la Seconde Guerre mondiale, les parents réclamaient une éducation française pour les multiples enfants français vivant à Istanbul ; mais aussi les premiers enseignants du lycée étaient employés à l’Université Galatasaray ; l’année 1962 consacre la fondation de l’établissement en tant qu’école indépendante des services culturels du Consulat ; en 1989, l’école est officiellement baptisée Pierre Loti après un vote des élèves du lycée ; c’est en 2003 que le campus de Tarabya est inauguré.
Pour trouver les diverses informations, l’historienne utilisa les archives diplomatiques françaises en tant que première voie d’approche. Elle y trouva par exemple des dossiers sur des professeurs du lycée de Galatasaray et par conséquent des informations sur des professeurs qui travaillaient aussi à Pierre Loti. Mme Le Bras s’est également servie d’archives concernant les flux financiers et les subventions de l’État français pour y voir plus clair. Puis, elle compléta sa recherche en se plongeant dans les archives administratives du lycée lui-même à Tarabya.
Maintenant vient l’étape de l’écriture de l’histoire. L’idée est d’être méthodique dans son travail : même s’il faut parcourir une multitude d’archives, il s’agit de trouver des éléments spécifiques et pertinents. L’historien doit savoir prendre de la hauteur vis-à-vis des informations récoltées. Il faut toujours déterminer les éléments les plus importants dans une archive. Même si nous ne trouvons qu’une phrase, il faut savoir l’utiliser et lui donner du sens par rapport à un ou plusieurs contextes. L’historien doit voir les différents points de vue et assimiler les informations pour donner un sens à l’interprétation du passé et pour produire le travail le plus complet possible.
Selon elle, son travail sur notre lycée demeure inachevé car elle n’avait pas le temps de prendre le recul nécessaire et de compléter les informations issues des archives institutionnelles par les témoignages des acteurs. Son travail constitue donc une synthèse limitée de l’histoire du lycée Pierre Loti même si elle estime qu’elle a pu produire quelque chose de substantiel.
Dernièrement, il s’agit de valoriser les recherches entreprises. Pour cela, il faut un format : un podcast, une exposition, un roman ou d’autres formes permettent de rendre compte, visuellement, des recherches.
Pour Pierre Loti, le format d’une exposition a été choisi car ce médium contient une attirance visuelle importante. Il existe deux types de documents possibles pour illustrer les recherches trouvées. Le premier apporte quelque chose au texte et renforce l’image. Quant au second, il crée une ambiance pour placer le lecteur dans un esprit particulier.


Questions
Dans la deuxième partie de notre conférence-débat, les élèves et les professeurs ont eu l’opportunité de poser des questions à Claire Le Bras. En voici quelques exemples :
Comment accédons-nous aux archives ?
Les archives publiques sont ouvertes à tous mais il existe des délais de communicabilité : à partir de 50 ans environ, les archives sont disponibles au public aussi il est parfois compliqué d’accéder à des archives plus récentes. En effet, celles-ci peuvent contenir des informations sensibles qui pourraient affecter le monde d’aujourd’hui, ou tout simplement des informations personnelles qui ne sont pas divulguées afin de protéger la vie privée des personnes concernées.
Que s’est-il passé en 2003 ? Comment le site de Tarabya a-t-il été ouvert ?
Les archives diplomatiques sont moins accessibles pour ce qui concerne les périodes post-1990.. Il fallait donc travailler uniquement avec les archives de l’établissement. En 1999, suite au tremblement de terre, un problème d’espace s’est posé. La solution temporaire entre 2002 et 2003 a été une installation de préfabriqués près du palais de France, ainsi que la délocalisation des classes de lycée au Consulat général, mais aussi de faire tourner les classes entre le primaire et les collégiens. Quant à l’idée de Tarabya, cette solution était déjà proposée dès les années 80 mais elle se met en place en 2003 à cause du manque d’espace. Le déménagement du secondaire au site de Tarabya aura donc lieu en 2003.
Pourquoi Tarabya ?
Il fallait que ce soit un domaine diplomatique français car il fallait un espace, une emprise appartenant uniquement aux Français. Les seuls espaces possibles se situent donc à Taksım, Beyoglu et Tarabya.