La chasse aux sorcières : une histoire oubliée (1)

« Elle est née menteuse et tous ses mots ne sont qu’aiguillons venimeux…Elle est plus cruelle que la mort car celle-ci est naturelle et ne détruit que le corps ; le péché qui suinte de tous les pores du corps de la femme détruit l’âme en la privant de la grâce et jette le corps dans les abîmes du péché…Toute la sorcellerie vient du désir charnel qui, chez elles, est insatiable. Pour se satisfaire, elles n’hésitent pas à épouser des démons… ».

Malleus Maleficarum (Marteau des sorcières)

Laide, cruelle, vieille et sans merci : la sorcière est une figure ayant traversé les siècles. C’est un personnage indissociable des histoires d’enfance, mais aussi des légendes et des croyances. Aujourd’hui encore, la sorcière fait partie du quotidien. 

La figure de la sorcière à toujours été celle d’une femme menaçante, ensorcelante… Or de nos jours, ce personnage n’est qu’un simple conte de fée. Cependant, il fut un temps, où il n’était pas bon d’être accusé de sorcellerie. Il fut un temps où l’Europe, ainsi que l’Amérique des colonies s’enflamma, condamnant au bûcher des milliers de femmes. 

Ainsi débuta la chasse aux sorcières. Cette chasse semble être tombée dans l’oubli, sans faire justice à ces milliers de femmes, et parfois même des hommes, massacrés. Il est important d’avoir connaissance de cette triste période de l’histoire. 

Le bûcher, les mauvais sorts et le balai semblent n’être que le fruit de l’imagination, un temps révolu, bien trop ancien pour avoir de l’importance. 

Et pourtant…

« Albrecht Dürer, Witch Riding on a Goat, c. 1500/1501, engraving, sheet (trimmed to plate mark): 11.4 x 7 cm (4 1/2 x 2 3/4 in.), Rosenwald Collection, 1943.3.3556 »

Une restitution et un contexte

Dans l’image collective que l’on se fait de la chasse aux sorcières, celle-ci fait partie des nombreuses parts d’ombre du Moyen Age. Or, en réalité, la chasse aux sorcières à eu lieu au 15e siècle, au cours de la Renaissance. En effet, cette chasse à toujours existé de part le monde, dans différentes civilisations. Le 15e siècle à ceci de particulier qu’il signe le pic de chasse en Europe. 

Imaginez : vous êtes une simple villageoise vivant tranquillement votre vie. Un jour, sans raison, l’on vous accuse soudainement de sorcellerie. Cela peut être des voisins ne vous appréciant pas, un mari voulant se débarrasser de vous, des personnes voulant acquérir vos terres, un prêtre décidant que vous n’êtes pas assez pieuse, une autre accusée voulant se sauver elle-même, ou tout simplement un misogyne ne supportant pas votre vue. Toutes les raisons sont bonnes, tant qu’elles servent les intérêts d’un autre. Le premier acte commence alors : C’est ainsi que vous vous retrouvez au tribunal, pour votre jugement. L’on vous pose de multiples questions absurdes, à la suite, sans vous laisser le temps de vous défendre. Vous clamez votre innocence. Mais la justice ne veut pas d’une innocente, non, la justice veut une sorcière. 

Alors, c’est le deuxième acte, c’est la torture. L’on vous fait souffrir de multiples façons, l’on cherche une marque du diable sur vous. On vous jette à l’eau : si vous flottez, vous êtes sorcière, si vous vous noyez, vous êtes innocente, tant pis ! Vous êtes nue, seule, et personne ne souhaite vous voir sortir vivante. Au fond, tout le monde le sait : quoi que vous disiez, vous serez toujours coupable. Alors vous avouez être une chose que vous n’êtes pas, à bout mentalement et physiquement. Oui vous avez pactisé avec le diable ! Vous avez dansé lors d’un sabbat près de lui ! Oui vous avez tué des enfants et empoisonné les puits ! Oui ! C’est vous la sorcière !

Voilà qu’arrive le dernier acte de cette mascarade : le bûcher. Humilié, vous vous dirigé vers ce qui sera votre tombeau. La foule acclament cet affreux spectacle tandis que votre bourreau allume les flammes vous léchant les pieds. Tuée par le feu, le paradis vous est interdit. Une sorcière ne mérite nul autre endroit que l’enfer. 

Vous regardez autour de vous : des visages amusés, des cris, des acclamations du peuple. Oui, après tout, vous n’êtes qu’un spectacle, qu’une simple bête de foire. Vous n’êtes qu’une sorcière. 

La fin ? Vous mourez, évidemment.

Gravure représentant un bûcher aux sorcières à Amsterdam au XVIème siècle. Domaine public.

Alors voilà, la femme de cette époque était confrontée à la mort chaque jour : le lendemain pouvait être son dernier jour. On les a accusés à tort, fait subir les pires souffrances et les a condamnés à la plus atroce des morts. L’Europe est un cimetière de sorcières. 

Mais pourquoi avoir soudainement entamer une chasse à la sorcière, à la femme, au cours de la Renaissance ? Il y a plusieurs raisons à cela :

Il faut savoir que la peur de la sorcière remonte en réalité à l’Antiquité. Depuis toujours l’on condamnait des personnes pour causes de sorcellerie. Mais cela à pris une plus grande ampleur au cours du XVe siècle. 

L’Europe, comme depuis très longtemps, est marquée par une forte influence de la religion chrétienne. Ce sont des sociétés à l’esprit fermé, ou la place de la femme est très restreinte. La femme doit être auprès de son mari, s’occuper des enfants et bien évidemment, du foyer. Ainsi une femme ne doit pas avoir de responsabilités importantes, doit être serviable et pieuse. 

De plus, existe un certain nombre d’homme n’aimant pas la femme. Elle pouvait être considérée comme une créature maléfique, séduisant pour attirer dans ses filets les hommes. Aujourd’hui, on les appellerait misogyne. 

Les femmes guérisseuses, sage-femmes, celle considérée comme enchanteresse était l’une des premières cibles de ce fléau. Autre la raison de vouloir absolument dominer la femme, l’on voulait aussi détruire toute trace des anciennes religions païennes. Ces femmes étaient considérées comme telles, allant à l’encontre de l’Eglise. Chaque société avait pour but d’éradiquer toutes ces superstitions paysannes contraire à la chrétienté. 

Et, bien sûr, une femme qui pense est une femme du Diable. Ainsi, toute femme sortant des normes sociétales s’était forcément abandonnée au Diable, et allait, la nuit, faire des sabbats avec ses sœurs et le Malin. 

Il faut noter que la femme, durant des siècles et pendant cette époque était sous une pression constante. De nombreuses règles pesaient sur son dos qu’elle ne devait pas enfreindre. Sinon, cela donnerait l’occasion aux hommes de les détruire : et ainsi fut la chasse aux sorcières. 

L’on commença ainsi à se débarrasser des vieilles femmes dites inutiles, des veuves, des guérisseuses, des séduisantes. Elles pouvaient être accuser de paganisme, de meurtre, d’empoisonnement, de sortilège ou de pacte avec le Diable. 

L’imaginaire collectif et l’installation de la peur

Cette chasse prit énormément d’ampleur grâce à l’imaginaire collectif des peuples nourri par la religion et les superstitions. De nombreux livres écrits à cette période ont construit étape par étape cet imaginaire. Il existe un livre en particulier du nom de « Malleus Malficarum (Marteau des sorcières) » de Henri Institoris. Ce livre fut, à son époque, un véritable best-seller. Nous pouvons même parler de premier livre de poche. 

Le « Malleus Maleficarum » est entre autres, un guide pour trouver et punir les sorcières. C’est une série d’argument dépeignant la femme comme un être maléfique. Ce sont des pages et des pages qui ont grandement contribué à l’image que l’on se fait de la sorcière et à la peur qu’elle inspire. Ainsi une sorcière est méchante, laide ou cachant sa laideur sous un masque de beauté, mangeuse d’enfants, montant sur un balais et allant batifoler avec le Diable autour d’un feu. 

 Et ce fut comme une traînée de poudre : la chasse à la sorcière n’étant jusqu’alors qu’une pratique populaire devint véritablement meurtrière. 

Mary Evans/Sipa « Witches on owls etc », 19e siècle

A suivre…

Mise en page par Arif Kilinç

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