NDLR : Article d'archive remis en ligne (cf. Crescendo no. 5, novembre 2021 "20 ans, rien comme avant")
Coloniser Mars. Une idée passionnante dont on a beaucoup parlé ces dernières années ! Mais à quel point est-ce réaliste ? Et est-ce même une bonne idée ? Les discussions sur la création d’un établissement permanent sur Mars existent depuis que la NASA a commencé son programme d’exploration de Mars, mais elles ont été renforcées par la création plus récente de la société SpaceX par Elon Musk, fondée dans le but de réduire les coûts de transport spatial pour justement permettre la colonisation de Mars.

La question la plus polarisante dans le débat sur Mars est sans doute la tension entre ceux qui rêvent d’une résidence secondaire et ceux qui accordent la priorité à celle que nous avons maintenant. Avant sa mort, Stephen Hawking a fait la sombre prédiction que l’humanité n’avait plus que 100 ans sur Terre. Face à une liste croissante de menaces (changement climatique, surpopulation, guerre nucléaire), Hawking croyait que nous avions atteint « le point de non-retour » et que nous n’avions d’autre choix en tant qu’espèce que de devenir multi planétaires, à commencer par la colonisation de Mars. De nombreuses personnes sont d’accord avec lui depuis, notamment Elon Musk.
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle l’humanité rêve de vivre sur Mars. D’autres raisons incluent la curiosité, la possibilité pour les humains d’effectuer des observations plus approfondies que par le biais de rovers sans pilote et l’intérêt économique pour ses ressources.
Cependant, tout le monde n’est pas d’accord avec l’idée. Dans une enquête, une majorité d’adultes américains pensaient que la priorité numéro un de la Nasa devrait être de résoudre les problèmes sur Terre. Les milliards de milliards de dollars nécessaires pour coloniser Mars pourraient, par exemple, être mieux dépensés en investissant dans des formes d’énergie renouvelables afin de lutter contre le changement climatique ou renforcer nos défenses planétaires contre les collisions d’astéroïdes au lieu d’abandonner la planète bleue. Et bien sûr, si nous n’avons pas trouvé comment traiter les problèmes que nous avons créés ici sur Terre, rien ne garantit que le même sort n’arrivera pas aux colons de Mars.
Bill Nye, PDG de la Planetary Society, a déclaré : « J’adorerais aller dans l’espace, les gars. Mais cette idée de vivre dans un autre monde où nous ne pouvons pas être à l’extérieur ne semble pas si attrayante. » Parce que bien sûr, il y a un très gros problème avec le déplacement vers Mars. On ne peut pas encore y vivre ! Il n’y a pas d’oxygène, pas de source de nourriture et pas d’infrastructures du tout. La liste des équipements nécessaires s’allonge encore et encore. Et c’est même sans compter le voyage là-bas. Alors qui serait prêt à payer pour tout ça ? L’argent a toujours été un problème avec l’exploration spatiale, et dans ce domaine rien n’a changé.
Diverses œuvres de fiction ont avancé l’idée de terraformer Mars pour permettre à une grande variété de formes de vie, y compris les humains, de survivre sans aide à la surface de Mars. Certaines idées de technologies possibles qui pourraient contribuer à la terraformation de Mars ont été imaginées, mais aucune ne serait en mesure de transformer la planète entière en un habitat semblable à la Terre telle que l’illustre la science-fiction.
D’autres questions éthiques pourraient aussi se poser, car la colonisation spatiale en général a été discutée comme la continuation de l’impérialisme et du colonialisme, en particulier en ce qui concerne la prise de la décision d’aller coloniser sur Mars et les raisons du travail colonial et de l’exploitation des terres, toute choses qui ont été remises en question dans une critique postcoloniale. Le récit de l’exploration spatiale en tant que « nouvelle frontière » a été ainsi critiqué comme une continuation irréfléchie du colonialisme de peuplement et d’un « destin manifeste », poursuivant le récit de l’exploration coloniale en tant que fondement de la nature humaine supposée.
Cependant, il est très intéressant de spéculer sur l’avenir d’une telle colonie, car au fil des générations, une nouvelle culture émergerait, les humains devenant des martiens plutôt que des migrants. Un enfant né sur Mars aurait un point de vue très différent de celui né sur Terre et pourrait ne jamais revenir dans le monde d’origine.
En conclusion, le fait que nous nous disputons toujours pour savoir si nous devrions y aller ou pas du tout et le fait que nous n’avons tout simplement pas la technologie signifie que nous ne sommes certainement pas encore prêts à aller sur Mars ! Mais qui sait ce que l’avenir nous réserve dans 20, 50, 100 ans ? Et vous, seriez-vous prêt à aller sur Mars ?