Le 15 août 2021, les talibans reprirent le contrôle de l’Afghanistan. Prenant petit à petit le contrôle de différentes zones du pays, ils suivirent une progression continuelle jusqu’à parvenir à Kaboul, la capitale, où il firent fuir le président en fonction, Ashraf Ghani, et s’affirmèrent dans tout le pays sans rencontrer de résistance réelle. Suite à ces événements, les américains, en lutte contre le groupe depuis 2002, délaissèrent leurs positions et quittèrent le pays, l’abandonnant aux mains des talibans. De ce bouleversement a résulté immédiatement une forte répression des droits des femmes ainsi qu’une crise humanitaire.
Mais que signifie concrètement cette prise du pouvoir pour les femmes afghanes ?
Lors de leur prise du pouvoir, le groupe fondamentaliste islamiste des Talibans avait assuré que les femmes pourraient poursuivre leur scolarité et continuer d’exercer leurs métiers. Or, il n’en fut pas ainsi. Les filles ne sont plus autorisées à poursuivre leur scolarité au-delà de la classe de sixième. Pour les étudiantes déjà parvenues au stade de l’université, des filières leurs sont désormais interdites. Elles ne peuvent plus étudier le journalisme, l’agriculture, la médecine vétérinaire, l’ingénierie et l’économie.
Quant à l’autorisation d’exercer leur profession, cette promesse ne fut pas non plus tenue. Le droit au travail leur a été ôté et elles sont désormais priées de rester à leur domicile. Seules celles exerçant une fonction non exerçable par un homme peuvent continuer leurs activités mais nous n’en savons pas plus sur leurs conditions de travail.
Les femmes sont désormais contraintes de se couvrir le visage en public, elles doivent porter la burqa et ne peuvent plus sortir sans chaperon masculin.
Le Ministère des Affaires féminines dissout, les Afghanes sont désormais sans représentation ni voix dans la vie politique. Les militantes féministes et femmes politiques sont traquées à travers le pays, notamment Fawzia Koofi, la seule femme cheffe de parti politique en Afghanistan ainsi que la première députée du pays, et la seule vice-présidente de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, elle agit de l’extérieur en plaidant sa cause auprès des autres pays.
Concernant celles qui n’ont pas eu la chance de conserver leur anonymat ou de fuir le pays, elles sont envoyées en prison ou dans des résidences assignées, sans passeport ni nourriture. Elles sont torturées par les autorités, un principe pourtant contraire aux lois des talibans puisqu’un homme ne peut toucher le corps d’une femme. Certaines sont libérées sous la pression internationale de manière temporaire, puisqu’elles sont liquidées une fois que l’attention à leur égard s’estompe.
Les femmes sont désormais contraintes de vivre dans l’anonymat et la moindre réunion peut signer leur arrêt de mort. Les talibans sont à l’affût du moindre écart à ces règles strictes.
Lors de cette reprise par les talibans, le 15 août 2021, le monde était déjà secoué par la guerre entre l’Ukraine et la Russie. La situation de l’Afghanistan fut donc projetée au derrière de la scène internationale et les médias lui accordèrent peu de visibilité. Actuellement, l’Afghanistan vit une crise humanitaire hautement influencée par cette guerre ainsi que par la répression des droits des femmes.
Comment le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ainsi que la situation des femmes afghanes, influencent-ils la crise humanitaire occurrente ?
La population afghane meurt de faim. Selon l’ONU “Près de 19 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, dont 6 millions de personnes menacées de famine”.
C’est une conséquence directe de la guerre en Ukraine car l’Afghanistan se procure habituellement du blé auprès de la Russie et de l’Ukraine, mais depuis le conflit entre les deux nations, l’Afghanistan n’est plus en mesure de se procurer la céréale en quantité suffisante.
La situation économique du pays est critique et le fait de retirer les femmes de leurs postes politiques ne fait que déstabiliser encore plus l’économie. La population afghane est à court de nourriture et de moyens, une situation qui se répercute encore une fois sur les femmes afghanes. De nombreuses familles se retrouvent contraintes de vendre leurs filles sur des marchés ouverts, pour de pathétiques sommes assurant temporairement leur survie.
Une autre conséquence est l’augmentation des travestissements, de plus en plus de jeunes filles se déguisent en garçon pour aider leur famille à subvenir à leurs besoins en travaillant. Elles sont contraintes d’abandonner leur identité.
Au moment de leur retraite du pays, les américains ont gelé l’équivalent de 9 milliards de dollars, stockés aux États-Unis, appartenant à la banque centrale afghane ainsi que des ressources supplémentaires accordées par différents pays afin de venir en aide à la population afghane. C’est pour les Etats-Unis un moyen de pression contre les talibans, ainsi que de mise en garde contre l’interdiction de voyager et les restrictions imposées par le groupe sur les droits des femmes. Depuis, le groupe islamiste tente de négocier pour récupérer ces fonds mais les nations ne font guère confiance aux talibans pour gérer ces fonds de manière juste et équitable en les redistribuant à la population. Il n’y a aucune garantie que cette somme atteindra la population afghane pour aider les millions de miséreux et non dans les caisses des talibans.
Il est important de constater que les talibans peuvent désormais utiliser la condition des femmes comme élément de négociation avec l’étranger.
Le futur des femmes afghanes se retrouve de nouveau compromis et leur situation est ombragée par l’actualité quotidienne. Néanmoins, la population afghane est différente de celle du 27 septembre 1995, lors de la première prise du pouvoir par les talibans. C’est une population plus jeune, bien plus réticente à céder ses droits, qui n’hésite plus à se mobiliser et à se rassembler pour militer. On constate dans les rues de Kaboul le refus du port de la burqa par les femmes, nombreuses sont celles qui militent silencieusement en laissant leur visage à découvert. Autant d’appel, discrets mais éloquents, adressés aux pays possédant les ressources nécessaires de collaborer avec les Afghans désireux de retourner la situation pour renverser les Talibans.

Illustration réalisée par Doğa Baklacıoğlu
Article mis en page par Renan Raoul